Venue d'un Grec depuis la Savoie

L'ânesse filait bon train sur la route de la vicomté. Il ne pouvait pas le savoir car l'évènement se produirait des décennies plus tard, mais le terroir de Brantôme transmettait au clerc cette même force d'âme qu'elle transmettrai à son futur chevalier et écrivain.

Il avait eu froid au petit matin de cette journée de trot, mais ce n'est que lorsque le soleil fut haut dans le ciel que, curieusement, les frissons parcoururent son corps. Il n'était plus loin d'arriver. Il piqua la bourrique qui s'ébroua avant de parcourir les derniers kilomètres avec moins d'empressement. Enfin, au détour d'un dernier virage, le domaine s'offrit à ses yeux.

-Holà du gardien, Synésios, un archidiacre de fort loin aimerait s'entretenir avec Son Eminence. C'est une demande expresse de son altesse princière. Carmin, faillit-il ajouter. Mais ce nom était celui qu'utilisaient les compagnons d'armes, et c'était avant que le guerrier soit parvenu dans les plus hautes sphères.

Quelle drôle d'idée, demander audience auprès d'un des princes de l'Eglise. Son ordination n'aurait lieu qu'à son retour.

Citation :: Holà du gardien

Hola du pèlerin ! admire la rime de votre serviteur au grand cœur ! C'est en ces termes que le doyen de la garde, droit comme une hallebarde, accueillit le jeune visiteur. La moyenne d'âge mise à mal par les cardinaux fréquentant les environs allait en prendre un coup. Enfin... au moins un qui se changerait tout seul.

La bienvenue en Périgord.

Mon père, me feriez-vous l'honneur de m'accorder votre bénédiction ? Et c'est non sans déférence que le très pieux Magnusen s'approcha puis ploya genou devant Synesios. Un regard à gauche... un autre à droite. Personne. Il murmura avec politesse et prévention, entendant veiller à ce que ce jeunot fort sympathique de prime abord ne soit pas éconduit promptement du château :

Puisse le Père de l'humanité vous avoir éclairé dans le choix du cadeau pour Son Éminence... présent qui se doit d'être tant voluptueux que lumineux, que Son Altesse n'aura manqué de vous recommander chaudement.

Plus fort, sur un ton protocolaire :

Je suis au regret de vous informer qu'il y aura un peu d'attente, Son Éminence ayant donné la chasse au sanglier ce matin sur les terres de Bourdeille en compagnie de son neveu entendez par la qu'il avait roupillé jusqu'à midi et donne actuellement cour de justice se fait péter la panse avant de se retirer pour la prière de tièrce digérer le tout en jouant à la tarentelle.

C'est que nous ne nous attendions pas de si tôt, mon père, et que Son Éminence est débordée.

Il demeurait genou ployé, tenant à recevoir la bénédiction.

Le jeune clerc eut du mal à ne pas sourire à ce qui semblait être comme une première épreuve.
-Merci pour votre accueil mon fils*, puis plus bas, et vos précieux conseils.

En fait, pour filou qu'il était, l'archidiacre aurait eu tendance à attribuer les mêmes vices au vétéran. Il fallait s'en assurer aussi :
-Mon fils que le Très-Haut te garde dans ta noble tâche de veiller à la sécurité de Son Eminence et qu'il te comble toujours de cette ferveur qui t'anime. Et de ne jamais céder à la duplicité.

Ceci étant dit, il chuchota une absolution dont les mots ne collaient pas avec la gestuelle :
-J'apporte un présent bien plus précieux à Son Eminence qu'un calice ou le prépuce de St Samoth. Je lui offre mes services les plus zélés. Et l'assurance que ses rivaux aurons bientôt mes oreilles, sans aucun soupçon.

Si le grand type à l'air nordique était matois, il fallait quand même le ferrer :
-Mon ânesse porte un ballot du reblochon et de la tome la plus affinée. J'ai connaissance que quelques vins de votre région pourraient s'accommoder avec le fromage. Mais dans le cas contraire, j'ai cru bon de ramener du sancerre plutôt que la piquette que nous avons en Helvétie.

Allez va maraud, régale-toi, mais avant mène moi à ton maître, pensa le Greco-savoyard.

*hrp : l'ordination a lieu en même temps que ce charmant voyage

Ayant flairé ou se trouvait son intérêt :

C'est avec dévotion que je vous servirai mon Père, ainsi que votre destrier et vos sacoches.

Knud ligota l'ânesse à un piquet puis désigna le donjon du regard.

Si vous voulez bien me suivre, mon Père...

Et il parti à toute allure, afin de revenir prendre soin du chargement au plus tôt.

L'archisavoyard n'eut pas sa réponse immédiatement. On verrait donc plus tard en revenant du donjon.

-Je vous suis mon fils.

» Venue de la comtesse Icie de Plantagenet